“Le nouvel horizon de développement du savoir humain est nommé, la course à l’espace est lancée. Si l’espace a été une nouvelle frontière à franchir, c’est désormais un ‘nouveau front’ que nous devons défendre.” Ainsi la ministre des Armées, Florence Parly, illustre-t-elle tout l’enjeu que constitue l’espace extra- atmosphérique pour la Défense nationale.
Cet espace se caractérise négativement par l’espace à partir duquel l’air n’est plus suffisamment disponible, marquant une distinction entre l’espace aérien et l’espace extra ou exo-atmosphérique (expressions qui, bien que décrivant deux conceptions différentes, seront utilisées indifféremment dans ce propos) ; très tôt, le premier a fait l’objet d’une considération militaire particulière par la France (cf. loi portant organisation de l’aéronautique militaire du 29 mars 1912), avec la création de la future Armée de l’air. Celle-ci fut alors chargée de l’étude, de l’acquisition, de la construction et de la mise en œuvre des engins de navigation aérienne. Impossible, dès lors, de ne pas voir d’écho avec le plus récent arrêté ministériel du 03 septembre 2019 portant création et organisation du Commandement de l’espace (ci-après “l’arrêté de 2019”), lequel y est chargé de la mise en œuvre du centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales, (...) d’exerce[r] le contrôle opérationnel (...) des capacités militaires spatiales et de contribue[r] aux travaux d’élaboration des plans d’opérations spatiales militaires. Il contribue par ailleurs à la stratégie d’acquisition des capacités spatiales de défense. La création de ce Commandement, dont les jalons ont réellement été posés dès 2010, n’est pas inédite ; en effet, d’autres Etats ont doté leurs forces de capacités militaires spatiales et d’un commandement, voire d’une composante, assorti, parmi lesquels deux acteurs militaires majeurs (Etats-Unis et Russie) et ce, plus ou moins tôt, intégrant de fait le Commandement français au nombre des organes les plus récents.
L’espace se trouve ainsi consacré comme une clé de voûte de [la] défense (dixit Florence Parly).
Néanmoins, à l’instar de l’Armée de l’air, qui a continuellement évolué depuis sa création il y a plus d’un siècle, jusqu’à devenir, en 2019, l’Armée de l’air et de l’espace, il importe de se demander si des évolutions s’imposent à l’instrument inédit que constitue le Commandement de l’espace français
A cet égard, il est apparu pertinent, dans le cadre de cette étude, d’évoquer de prime abord ce nouvel instrument (I), avant de tirer les leçons d’un bref travail comparatif avec ses homologues étrangers (II).
I) LE COMMANDEMENT DE L’ESPACE : NOUVEL INSTRUMENT DE LA DÉFENSE FRANÇAISE
Si la création de cette branche des plus originales (Section I) au sein d’une composante des forces armées est récente, elle n’en est pas moins déjà soumise à des difficultés (Section II).
Section 1 : Organisation classique d’une branche armée moins classique
Les armées françaises se sont dotées, au sein de leur force aérienne, d’un commandement particulier, en premier lieu par les raisons de son développement (A), puis par son organisation (B).
A- La création d’une composante inédite
Le Commandement de l’Espace de l’Armée de l’Air et de l’Espace (ci-après “AAE”) est instauré par un arrêté ministériel en date du 03 septembre 2019 portant création et organisation du commandement de l’espace. Ce Commandement prend la place du Commandement interarmées de l’espace, créé en 2010 et ayant pour vocation l’élaboration de la politique spatiale militaire française au travers de l’identification des besoins des armées, de la conduite des programmes d’armement ou de l’animation de la coopération internationale. Il s’agissait alors d’un organisme interarmées, c’est-à-dire composé de personnels de deux ou plusieurs forces armées qui œuvraient à la satisfaction de l’objectif suscité en soutien de plusieurs armées, ainsi qu’en dispose l’article R3233-19 du Code de la défense.
Le Commandement réformé prend désormais la forme d’un organisme à vocation interarmées, se plaçant ainsi non plus sous l’égide du chef d’état-major des armées mais sous celle du chef d’état-major de l’AAE uniquement (comme le prévoit, de nouveau l’article R3233-19 du Code précité), devenant ainsi une composante à part entière de cette dernière. Il fait suite à la volonté du président de la République, chef des armées, de doter les forces d’une nouvelle composante s’appuyant, sinon sur un nouvel espace, au moins sur un espace désormais objet de maintes convoitises et porteur d’enjeux majeurs sur Terre. Le général F. Lecointre, chef d’état-major d’alors, expliquait, en 2020 : “ Il est pratiquement impossible d’envisager la moindre manœuvre militaire sans appui météo ou navigation. Quant à un engagement en haute intensité, il est tout simplement inconcevable sans un appui en renseignement et en communication satellitaires. ”
Dans la Stratégie spatiale de défense du ministère des Armées, publiée en 2019, il est fait état de ce que la France doit considérer deux volets dans son appréhension de l’espace extra-atmosphérique. Ainsi, dans un objectif global de protection des objets orbitaux et intérêts spatiaux français, aussi bien commerciaux que militaires, la France doit développer son aptitude à surveiller l’environnement spatial mais également sa capacité à défendre lesdits objets et intérêts face aux actes inamicaux, illicites ou agressifs. Via ledit Commandement, les forces françaises visent donc au développement d’une capacité d’analyse, voire de renseignement, et d’une capacité défensive, point majeur de basculement dans la stratégie spatiale. Il importe de relever, par ailleurs, que cette Stratégie érige plusieurs passerelles entre les mondes militaire et commercial, tant dans le cadre de la mission de protection que dans celui de la mise en œuvre des missions du Commandement.
A ces fins, le Commandement de l’espace disposera, sur la période couverte par l’actuelle Loi de programmation militaire (ci-après “LPM”), à savoir 2019-2025, de plus de 716 millions d’euros annuels, soit environ 4,3 milliards d’euros au total, après que le budget fut gonflé par la ministre F. Parly3 à la suite de l’annonce de la création du Commandement par le Président E. Macron.
B- Une organisation au service de ses missions
Les forces armées françaises se constituent de trois composantes : l’Armée de terre, l’Armée de l’air et de l’espace et la Marine nationale. Originellement, le Commandement interarmées de l’espace de 2010 était placé sous l’égide du chef d’état-major des armées et servait les trois composantes, étant lui-même constitué de personnels des différentes forces. Toutefois, l’arrêté ministériel du 03 septembre 2019, portant création et organisation du Commandement de l’espace place désormais celui-ci sous le commandement organique du chef d’état-major de l’AAE ; en outre, sa composition n’est plus mixte, comme il en allait pour l’organisme interarmées qu’était le Commandement de 2010, mais relève désormais de l’AAE, comme le précise l’article 5 de l’arrêté précité : “Le commandement de l’espace comprend (...) la brigade aérienne des opérations spatiales, comprenant le Centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales ainsi que des unités spécialisées et des experts. ”
Cette composition des effectifs répond à un problème auquel était confronté le Commandement de 2010 : le morcellement des responsabilités (...) et une dispersion géographique et fonctionnelle de l’élaboration de la stratégie et de la mise en œuvre des capacités spatiales du fait du rôle de diverses unités relevant de chaînes
Concernant précisément la dispersion géographique, la mise en place du Commandement de l’espace prévoit l’installation de son centre opérationnel à Toulouse, à l’extrême proximité des quartiers généraux du Centre national d’études spatiales (ci-après “CNES”), dont il est le principal partenaire. A cet égard, il importe de souligner l’étroite collaboration des deux entités, qui semble désormais presque indispensable l’une pour l’autre.
En effet, le Commandement de l’espace ne saurait se dispenser de la maîtrise de la situation spatiale du CNES, tout comme celui-ci ne pourrait agir sans entraver les éventuelles missions du Commandement. C’est dans cette optique qu’un partenariat a été instauré pour encadrer et diriger cette coopération, prévoyant à la fois un cadre 6 normal et un cadre particulier, où les rôles des deux acteurs sont précisément définis. Cepartenariatmetàla disposition de l’AAE les constatations et études diverses des experts du CNES, dans une volonté rationnelle de ne pas dupliquer les compétences, particulièrement au niveau du SSA (approche globale des risques de collision, fragmentation ou entrée dans l’atmosphère des objets orbitaux) ; également, il met à disposition des différents groupes habilités du CNES les comptes-rendus et les problèmes rencontrés par le Commandement lors de ses opérations.
Section 2 : Le nouvel instrument et ses écueils
La jeunesse de cet organe armé ne le met pas à l’abri de quelques difficultés (A) ; rien, néanmoins, d’incurable (B).
A- Un instrument déjà en proie à des difficultés...
Si le Commandement de l’espace, dans sa substance, est déjà âgé de plus d’une décennie, il n’en reste pas moins un organe nouveau de l’AAE, et des armées plus largement. Toutefois, il est déjà possible, malgré sa récente création, de constater quelques écueils dont il est l’objet.
Dans un premier temps, il conviendrait d’évoquer ses moyens financiers. Si l’annonce de plusieurs milliards d’euros d’investissement pour le spatial militaire (3,6 précisément), gonflés de 700 millions d’euros supplémentaires à l’annonce de la création du Commandement, ont marqué un réel tournant dans la programmation militaire française, la déclinaison sur six ans prévue par la loi de programmation militaire présente un budget spatial militaire annuel de plus de 715 millions d’euros. Or, ledit domaine est au nombre des plus coûteux, notamment en raison d’importants coûts de recherche et développement et de mise au point. Il n’est pas sans intérêt d’évoquer ici la loi dite d’Augustine (du nom du célèbre homme politique et industriel de l’armement) : la mise au point de nouvelles technologies dans un secteur industriel donné réduit relativement (et non absolument) la capacité d’achat des acquéreurs. En l’espèce, au coût déjà important des objets orbitaux et de leur développement (faisant pourtant souvent l’objet de partenariats entre les secteur public et privé dans une optique de partage du fardeau financier), il faut ajouter celui de leur arsenalisation, actuellement défensive, mais certainement offensive à l’avenir. En conséquence, le budget français paraît relativement peu conséquent au regard de l’importance que semble accorder le ministère des Armées à l’espace extra-atmosphérique, et surtout au vu des budget des deux États considérés dans cette étude : les Etats-Unis (15,3 milliards de dollars en 2021) et la Russie (2,1 milliards de dollars annuels) .
Dans la continuité de la question budgétaire, il faut remarquer la faiblesse des moyens investis au regard de la dépendance à l’espace des forces armées. En effet, comme cité précédemment, le général François Lecointre précisait que les forces armées terrestres (armées de terre, de l’air et Marine) ne pourraient aujourd’hui concevoir une opération sans appui spatial, ne serait-ce que pour la reconnaissance des théâtres sur lesquels elles sont projetées. C’est pourquoi, au sein de la Stratégie spatiale de défense de 2019, la ministre entend développer la capacité de nos armées à agir sans soutien spatial. Si le document n’évoque pas les crédits mis à dispositions du Commandement, mais considère plutôt le problème de la grande dépendance des forces terrestres vis-à-vis du domaine spatial, il paraît important de se soucier de l’importance des investissements, dans la mesure où les hypothèses d’engagement de haute intensité se font plus probables et que les capacités spatiales dépendent grandement des moyens qui leur sont attribués.
En outre, si le Commandement de l’espace est récent, s’est rapidement posée la question de la formation de son personnel. Le commandement interarmées de l’espace de 2010 comptait en ses rangs des membres des différentes composantes des armées (principalement de terre et de l’air) principalement formés par le CNES. Néanmoins, si son instauration comme composante à part entière de l’AAE consacre son importance, le Commandement de l’espace actuel nécessite une filière de formation propre. D’après le ministère des Armées, en 2020, le Commandement comptait 220 aviateurs formés au domaine spatial mais ne sortant pas d’une formation spécifique à proprement parler. Outre ces aviateurs, cinq officiers de l’AAE étaient alors immergés aux côtés des équipes du CNES.
Au-delà d’une illustration de la coopération étroite entre les deux entités, ces chiffres illustrent les lacunes de la formation des personnels du Commandement ainsi que le nécessaire appui du CNES dans un domaine aussi technique que l’espace extra-atmosphérique.
B- ... mais des solutions en développement
Les écueils précités ne sont toutefois pas sans solutions, et la celles-ci se traduisent principalement, mais pas exclusivement, par l’étroit lien unissant le Commandement de l’espace et le CNES. Comme présenté supra, le Commandement et le CNES ont d’abord noué un partenariat sur la mise en œuvre des capacités spatiales. En effet, dans une logique économique rationnelle, il a été décidé, lors de l’intégration du Commandement à l’AAE, de le rapprocher du CNES et des capacités dont celui-ci disposait déjà (compétences humaines, matériels, etc.). Ainsi, d’importantes économies ont été réalisées du point de vue de la logistique, à savoir les installations permettant la mise en œuvre desdites capacités, un accès immédiat à un savoir- faire de qualité. Cette relation repose principalement sur un principe de subsidiarité, consistant à exploiter les capacités et expertises déjà détenues par le CNES , et sur une forte complémentarité selon la situation. De ce fait, dans une situation sans grande implication pour la défense et la sécurité nationales (activités de coordination), le centre toulousain évalue les risques exposant les objets orbitaux français d’après ses propres données et en fait part au Commandement. Ce dernier élabore alors une situation spatiale à partir des données transmises et des siennes, parfois classifiées. Dans un cadre plus particulier, en revanche, le Commandement a la responsabilité des opérations spatiales et peut faire appel à l’expertise du CNES pour certains domaines pour lesquels une partie de son personnel est habilitée. Le centre continue alors par ailleurs son évaluation des risques exposant les objets orbitaux français, hormis ceux concernés par les opérations du Commandement. Ce partenariat sophistiqué permet à l’AAE de limiter grandement son budget, sans pour autant se passer de facultés opérationnelles nécessaires à une armée efficace dans l’espace extra-atmosphérique.
Pour ce qui a trait à la formation et, plus largement, au développement des capacités humaines spatiales, la création du Commandement de l’espace de 2019 s’accompagne d’un projet de formations global ; à cet effet, la Stratégie spatiale de défense prévoit la création d’une Académie de l’espace (cf. infra), qui canalisera les différents parcours de la formation nécessaire à la mise en œuvre des missions du commandement (formation initiale ou stages par exemple). Mais le document prévisionnel prévoit en outre une stratégie de rayonnement, afin de stimuler l’attractivité du domaine spatial militaire. Cette stratégie s’appuiera, entre autres, sur un estampillage spécifique des postes d’intérêt pour le domaine. Elle vise à la création d’une “famille espace” (sic).
Une plus grande visibilité de ce milieu mènera sans doute aucun à un gain d’intérêt chez les futurs militaires ; en conséquence, l’institution d’un cadre complet de formation pour ces personnels en devenir du Commandement de l’espace paraissait indispensable.
II) LE COMMANDEMENT DE L’ESPACE FRANÇAIS ET SES HOMOLOGUES ÉTRANGERS : ENTRE VARIANTES ET PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION
A l’échelle de la communauté internationale, il existe de nombreuses formes de commandements spatiaux. La France n’a donc pas l’exclusivité du commandement spatial. Il paraît donc important de comparer les divers commandements spatiaux (Section 1), tout en se demandant où se situe la France par rapport à ces derniers (Section 2).
Section 1 : Deux schémas différents et divergents du commandement de l’espace
Historiquement, l’espace fut le théâtre d’un affrontement original que l’on a pu qualifier de “course à l’espace” . Cette course opposait les deux superpuissances d'alors : les Etats-Unis (A) et l’Union Soviétique (aujourd’hui la Fédération de Russie) (B).
A- Le commandement spatial étasunien : organe à part entière des forces armées
La France n’est pas le seul Etat a s’être doté d’un organe de commandement militaire ayant trait à l’espace extra-atmosphérique. Il existe en effet plusieurs variantes du commandement spatial à l’échelle internationale.
Le commandement spatial des Etats-Unis, en premier lieu, est unique en son genre. Ce dernier est subdivisé en deux composantes distinctes et sœurs à la fois, l’United States Space Force (ci-après “USSF”) et l’United States Space Command (ci-après “USSC”). La première composante qu’est l’USSF a été créée initialement sous le nom de l’Air Force Space Command, le 1er Septembre 1982 , mais fût modifié le 20 Décembre 2019 avec la signature du National Authorization Act par l’ancien président des Etats-Unis Donald Trump, créant ainsi l’USSF . L’USSF est une nouvelle branche du Département de la Force Aérienne qui dispose d’un Chef des Opérations spatiales. Cette nouvelle branche de l’armée est considérée comme étant le sixième département des forces armées étasuniennes, après l’U.S Army, l’U.S Navy, l’U.S Marine Corps, l’U.S Coast Guard, l’U.S Air Force. Par ailleurs, le général J.H. Dickinson, commandant de l’USSC, distinguait, en 2020 : “ En vertu de la loi Goldwater-Nichols, le département étasunien de la défense était essentiellement divisé en deux missions, l’une portant sur l’organisation, l’entraînement et l’équipement dirigée par l’United States Space Force ; l’autre sur le combat dirigée par l’United States Space Command. ”
La seconde composante de ce commandement spatial est l’USSC. Cette dernière a été créée le 23 Septembre 1985 mais fût dissoute le 1er Octobre 2002. Néanmoins, ce commandement de l’espace fût remis à l’ordre du jour et réapparu le 29 août 2019. Les missions de ce commandement de l’espace sont variées. Il agit dans quatre domaines d’actions spécifiques comme le confirme le général J.H Dickinson : "Premièrement, dissuader les agressions qui revêtent de nombreuses facettes ; ainsi, le partenariat avec la France peut être vu comme étant une mesure de dissuasion stratégique. Deuxièmement, vaincre nos ennemis à travers la posture et la préparation (simulations militaires, conférences, accords bilatéraux), et plus de préparations et de postures de nos forces pour prendre le dessus sur les adversaires en cas de besoin. Troisièmement, fournir une puissance de combat spatial (toutes les opérations aujourd’hui utilisent les moyens spatiaux) [...]. Quatrièmement, défendre les Etats-Unis et les intérêts spatiaux des alliés (...).” 17
Par ailleurs, l’USSC est distincte de l’USSF. Elle a une fonction de combat. Cette dernière fait partie du commandement unifié des combattants qui est composé d’unités de deux ou plusieurs services des armées des États-Unis. Il est important de rappeler que la majorité de ses forces armées sont entraînées, équipées, organisées par l’USSF. Cependant, une petite partie de ces forces proviennent des autres composantes des forces armées étasuniennes (U.S Navy, U.S Army, U.S Marines).
En conséquence, l’United States Space Forces et l’United States Space Command ont pour objectif final de conduire des opérations militaires dans, depuis et vers l’espace extra-atmosphérique, pour s’assurer de la dissuasion de tout conflit, toute agression, en fournissant une puissance spatiale pour leur force interarmées et défendre les intérêts vitaux des Etats-Unis et de leurs alliés. Ces deux composantes sont donc distinctes par leurs missions mais liées puisqu’elles se complètent. A terme, l’objectif est de créer un secrétariat de l’armée de l’Espace (Annexe 1).
Les Etats-Unis ne sont toutefois pas la seule force spatiale à détenir un commandement de l’espace.
B- Le commandement spatial russe : organe à vocation offensive des forces armées
Le commandement spatial de la Fédération de Russie (ci-après “Russie”) est particulier. Ce dernier est né sous l’ère de l’Union soviétique (ci-après “URSS”) plus précisément en 1964. Auparavant, sous l’Union soviétique, la Direction générale des capacités spatiales était associée au ministère de la Défense. Aucune évolution particulière n’est à noter durant la guerre froide. Il a fallu attendre le XXIème siècle pour voir apparaître la Force spatiale de la Fédération de Russie. Or, en 2011, cette Force spatiale a été dissoute pour créer les
Forces aérospatiales de défense qui ont, elles-mêmes, été intégrées à une partie de l’Armée de l’air russe, avec pour objectif de favoriser les synergies des deux domaines. De cette fusion naquirent ainsi les Forces aérospatiales russes , forme qui aujourd’hui est toujours d’actualité. Cette force comprend les forces de l’Armée de l’air et les Forces Spatiales.
La Force aérospatiale russe dispose d’un large éventail d’objectifs , notamment offensifs. En effet, à l’instar du commandement spatial des Etats-Unis d’abord, elle vise à repousser tous les types d’agressions terrestres et aérospatiales. Pour ce faire, la Russie a mis en place des postes de commandement à l’échelle civile et militaire, à savoir des bataillons et des centres administratifs et politiques pleinement destinés à la mission. Deuxièmement, elle devra, à l’avenir, être en capacité de détruire les missiles balistiques visant les installations de l’Etat tout en fournissant des informations précises sur ces attaques. Par ailleurs, elle surveille les objets spatiaux et doit identifier les menaces depuis et dans l’espace.
Et enfin, elle doit être en capacité de mettre des satellites sur orbite tout en maintenant un bon fonctionnement des systèmes satellites militaires et par conséquent se tenir prête au combat. Le caractère offensif de la mission spatiale russe n’est pas nouveau. En 2018 déjà, la France, par son ministère des Armées, constatait une tentative de captation des communications militaires par satellite russe vers un satellite franco-italien. Par ailleurs, en 2020, le général des forces aériennes et des forces un spatiales étasuniennes affirmait que “la Russie avait testé un missile capable de mettre hors d’état de nuire des satellites en orbite".
Ainsi, après avoir décrit les politiques et les lignes directrices des deux grandes puissances d’aujourd’hui, il paraît légitime de se demander où se situe la France par rapport à ces derniers.
Section 2 : Les organes étrangers et le Commandement français, joueurs de même niveau ?
Aujourd’hui, tous les Etats ne disposent pas des mêmes avancées techniques, de formation et budgétaires, il apparaît donc important de situer la France par rapport à ces deux autres États (A), avant de se demander ce que sera la feuille de route française (B).
A- Les avances des commandements spatiaux étrangers sur l’instrument français
Les organes de commandements spatiaux sont différents. Il y a une très grande disparité notamment entre eux, et spécifiquement si on les compare à celui du Commandement spatial français.
Premièrement, le point important à mettre en avant est l’aspect budgétaire. Il est vrai que le budget attribué au Commandement spatial français comme cité plus haut est moins élevé que celui de ses homologues.
Le budget spatial des Etats-Unis s’élève à plus de 15,3 milliards de dollars, en faisant le plus important du monde. Le budget spatial étasunien suit la même tendance que le budget global alloué aux forces armées des Etats-Unis, c'est-à-dire qu’il est en rapide augmentation. A contrario, le budget de la Fédération de Russie selon le colonel D. Loverro : “Le budget de développement spatial de la Russie sur 10 ans, prévoyait jusqu’en 2026, 53 milliards de dollars, or Moscou ne peut engager que 10 milliards.”
Ainsi après recherche, le budget prévisionnel de la Russie est d'environ 2 milliards de dollars (cf supra), ce qui est faible en le comparant avec celui des Etats-Unis. Ainsi, le budget français n’est pas si faible que cela, en comparaison de celui de la Russie.
Ensuite, un autre aspect critique est la formation. En réalité, si l’on compare la France à ses homologues, on peut vite se rendre compte de la faible place de cette formation. Les Etats-Unis apparaissent comme les leaders dans la formation des futurs soldats de l’espace, ayant déjà un effectif de 16.000 militaires . La formation s’y fait à l’école de l’Air, aux côtés des recrues de l’Air Force tout en ayant un programme spécifique dédié à l’espace . La force spatiale des Etats-Unis tend à évoluer et à mettre en place un programme distinct de formation et de centre militaire spécialisé avec un objectif axé sur la doctrine, les valeurs et les compétences de la Force Spatiale. La formation concernant la Russie est sensiblement la même et se fait sur la base de l’école de l’Air par le biais de deux écoles : l’Académie militaire de défense aérospatiale et l’Académie spatiale militaire. Ces écoles forment à elles seules plus de 1.500 étudiants par an.
Par ce constat, il est possible de mettre en évidence les disparités entre les divers systèmes mentionnés. La structure française présente alors des lacunes à améliorer vis-à-vis de ces deux puissances spatiales.
B- Le futur du Commandement spatial français : entre l’inspiration et la troisième voie ?
Le Commandement de l'AAE fait bel et bien preuve de certaines lacunes, et il semble important de pointer ces difficultés et d'y trouver des solutions, notamment en puisant dans les politiques menées par ses homologues étrangers. Précisément, la formation constitue une difficulté majeure pour ce domaine en perpétuelle évolution. Le Commandement de l'espace français doit évoluer. Ainsi, ce dernier aura le choix soit de suivre l’exemple des Etats-Unis ou de la Russie, avec une formation presque purement militaire, soit d’adopter une approche propre globale, liant le scientifique et le militaire.
A ce sujet, la France devrait d’abord prendre comme exemple la formation militaire qui est majeure chez ses homologues. L’espace extra-atmosphérique aujourd’hui tend à devenir une nouvelle zone de confrontation, un espace qui, sous contrôle d’un Etat, lui permettra d’exercer une domination sur ses adversaires.
La France a ainsi misé sur une toute nouvelle Académie de l’espace implantée à Toulouse, proche du CNES. La formation proposée par cette dernière sera double. Dans un premier temps, à l’instar de ses homologues, les futurs étudiants auront une formation précise sur l’aspect militaire de l’espace qui leur permettra de répondre aux menaces provenant de l’espace, et des menaces s’y dirigeant. Dans un second temps, l’Académie approfondira sa coopération avec le CNES, en visant à la formation des étudiants aux aspects scientifiques et techniques de l’espace, afin de créer le soldat du futur. Le Commandement spatial français se démarquera de ceux des Etats-Unis et de la Russie en proposant une formation duale, visant au développement de l’expertise spatiale par le CNES et à la valorisation des compétences militaires déjà acquises, notamment dans d’autres
L’Académie formera les soldats d’aujourd’hui et de demain avec le CNES mais aussi avec des soldats d’hier (dépendant d’autres forces armées et spécialisés dans des domaines dépendant de ou influant sur l’espace extra-atmosphérique). Ensuite, la France s’apprête à étendre l’encadrement de sa formation aux partenaires et alliés étrangers. A cet effet, les futurs soldats vont acquérir l’expertise des spécialités françaises mais pourront également, au titre de la coopération internationale (qui fait, par ailleurs, partie des missions du Commandement), acquérir des compétences autres auprès de grands pays en la matière, tels les Etats-Unis ou l’Italie d’une part, et celles des membres de l’Agence spatiale européenne d’autre part. Cette coopération internationale sera donc un atout majeur pour le Commandement de l’espace français.
CONCLUSION
Le Commandement de l’espace français constitue ainsi un instrument indispensable aux forces armées du XXIème siècle. Néanmoins, bien qu’étant encore en cours d’élaboration, il importe, pour sa pérennité et son efficacité futures, que les organes dont il dépend prennent mesure de l’importance de palier les divers problèmes auxquels il fait déjà face, tels la formation ou le budget. Ces questions sont toutefois déjà abordées au sein de la Stratégie de 2019, timidement toutefois. Mais d’autres carences pourraient par ailleurs s’y ajouter, comme l’importance de ses effectifs (220 personnes à sa création) ou son avancée technologique, notamment au regard des autres grandes puissances spatiales que sont la Russie et les Etats-Unis ; à cet égard, si la France veut tenir son rang au sein des grands pays en la matière, il lui faudra élaborer, probablement de façon plus régulière, à l’instar des lois de programmation militaire, ses stratégies spatiales et éventuellement approfondir ses coopérations, européennes notamment, et particulièrement au niveau technologique ; ainsi le commandant de l’USSC résumait-il : "Dit simplement, nous ne pouvons y aller seuls."
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